Sur un panneau de chêne dans une composition équilibrée, simplifiée, à la technique exceptionnelle, notre artiste pose avec délicatesse trois natures mortes baignées d’une lumière venant de la gauche, de gauche à droite, une coupe en faïence hollandaise à la manière des peintres flamands ou hollandais dont elle a tiré son inspiration, remplie de fraises plus vraies que nature, un panier à anse rempli de cerises à la manière de François Garnier (1600-1672) son beau-père et recouvertes de feuilles pour préserver leur fraicheur, une branche de groseilles à maquereaux dont on devine la transparence, puis une cerise isolée. La totalité de la composition est dans une gamme chromatique essentiellement de rouge.
Enfin, comme à l’accoutumée, sur la tranche de la table à droite elle appose sa signature et date cette œuvre 1631.
1631, elle a vingt et un an, quelle excellence dans le traitement des fruits et dans l’émotion qu’elle nous fait partager. Elle atteint sans conteste le but escompté probablement par son commanditaire.
Cette œuvre exceptionnelle augmente le cursus de la production de l’artiste et porte à quatre les œuvres exécutées en 1631, elle s’intègre et se distingue par les sujets représentés. Ce ne sont plus les pêches, les abricots, les raisins ou les prunes traditionnelles, mais une extraordinaire coupe de fraises mise au premier plan, un panier de cerises et une branche de groseilles à maquereaux qui sublime l’œuvre au rang des plus belles œuvres de l’artiste, tout ceci est renforcé par sa signature et sa datation.
Nous retrouvons le même sujet dans cette nature morte aux « groseilles, fraises et cerises » signée et datée 1630 du Norton Simon Foundation aux Etats-Unis ou encore dans cette nature morte à « la coupe de fraises avec branche de groseilles à maquereaux posées », signée et datée 1634 détenue par une collection particulière.
C’est dans cette belle nature morte lot 22, vente P.I.A.S.A. du 27 juin 2003, intitulée, « Nature morte au panier de cerises et à la coupe de fraises sur un entablement », à la composition identique que sa formation se confirme.
Pour preuve, il aura fallu dix-neuf ans pour faire cette découverte des deux œuvres au même sujet qui demeure exceptionnelle : le travail du maître et de l’élève qui manifeste tout son talent, sa sensibilité féminine, c’est la plénitude de son art. Dans un travail plus abouti l’élève a dépassé le maître François Garnier son beau-père.
Poésie, émotion, vérité, sérénité, mystère, telles sont les mots qui peuvent transporter le spectateur.
Ici, le terme nature morte ne s’applique plus il faudrait dire nature vivante ou Still Life (vie immobile) le terme anglais beaucoup plus parlant et qui est à notre sens beaucoup plus approprié.