M-F : Delphine tu viens de recevoir le collier de Gouverneur des mains de Jacques Bernier, je souhaiterais avant de commencer notre entretien que tu te présentes car les « jeunes » rotariens ne te connaissent peut être pas...

D : J’ai 43 ans, je suis mariée à Géraud qui est aussi Rotarien au club de Toulouse Capitole et nous avons une petite fille Ombeline qui a 8 ans.

Après Hypokhâgne et Khâgne, j’ai obtenu une Maîtrise de Philosophie puis un DESS en Ingénierie Culturelle et Gestion du Patrimoine. Enfin, j’ai commencé un DEUG d’Histoire de l’Art en alternance pendant que je travaillais à Paris.

Je suis passionnée par la Philosophie, l’Archéologie et les voyages !

J’ai crée ma propre société Via Nostra en 2005, une agence spécialisée dans la réalisation de voyages culturels dans le monde.

M-F : Comment as-tu connu le Rotary et qu’est ce qui t’a motivée pour rejoindre ce mouvement ?

D : C’est par une amie, une femme extraordinaire, une Archéologue que j’ai connue à Paris et que j’ai retrouvée à Toulouse.  Elle m’a présenté son mari Bernard Poli, Rotarien, ancien Diplomate et ancien Professeur de Littérature Américaine à la Sorbonne, et Chantal Ducoin, épouse du Président du Club. Bernard Poli et Jean-Louis Ducoin, mes deux parrains, m’ont expliqué les valeurs du Rotary auxquelles j’ai adhéré tout de suite, en particulier l’approche professionnelle et l’éthique Rotarienne. Ils m’ont expliqué que le Rotary était un réseau de professionnels dont tout jeune créateur d’entreprise pouvait avoir besoin.

Le club Toulouse Ouest que j’ai rejoint en 2006 à l’âge de 28 ans se composait de 58 membres dont 3 femmes. J’y ai trouvé ce qui m’avait été présenté et comme j’étais la plus jeune et surtout la seule femme assidue à cette époque-là, ils m’ont tout de suite offert une sorte de mentorat. Avec Jean-Louis j’ai découvert ce que j’appellerai le « Rotary à l’ancienne ». C'est-à-dire un Rotary avec de la rigueur, du respect, de l’engagement, du lien... c’est ce qui m’a été transmis.

Au bout d’un an j’ai été sollicitée pour être Secrétaire du club, ce que j’ai bien sûr accepté, j’ai fait plus de trois mandats ! On m’a aussi expliqué que je devais aller aux Conférences et aux Assemblées de District, ce que j’ai fait. J’ai été accompagnée par des membres du club qui m’ont   présenté beaucoup de Rotariens car je ne connaissais personne. Toute jeune Rotarienne et novice pour ma première réunion de District, c’est Léon-Pierre Raybaud, ancien Gouverneur, qui m’a prise sous son aile !

­M-F : Un poste de Gouverneur cela se prépare longtemps à l’avance, alors pourquoi et quand as-tu pris une telle décision ?

D : Ayant  participé à plusieurs équipes de District où j’ai rempli différentes fonctions, dont celle de Secrétaire, j’ai eu envie de m’investir davantage, d’apporter ma pierre et j’ai donc proposé ma candidature.

Je conçois le poste de Gouverneur avec beaucoup d’humilité. Je suis dans une démarche où j’ai envie de m’investir, j’ai bien compris que cela ne dure qu’un an. Mais il y a des choses à faire et quand on est jeune on peut apporter son dynamisme et une façon de voir les choses un petit peu différente.  C’est cela qui m’a fait penser « pourquoi je n’essaye pas ? ».

Je pense que je peux apporter, imprimer quelque chose en tant que jeune femme. Et surtout j’ai été conseillée et soutenue dans ma démarche par plusieurs Gouverneurs du District.

M-F : Oui justement tu es la benjamine de ta promotion,  et tu es à la tête du plus grand District de France. Tu es même le Team-Leader de ta promotion. Qu’est ce qu’un Team-Leader ?

D : Le Team-Leader représente et anime la promotion des 18 Districts de France. On est dans le collectif, je dirais que je suis une « facilitatrice » et la représentante de notre Promotion. Par exemple dans l’action « La Rose »  que nous soutenons, il n’y a pas de paternité ou de maternité de l’un ou de l’autre. C’est une action commune fédératrice pour accompagner la venue du 7ème axe du Rotary, l’Environnement.

MF : L'action professionnelle est un des fondamentaux du Rotary  mais elle présente une double problématique car si la notion de business a souvent une mauvaise connotation, elle correspond souvent à l'attente de jeunes rotariens qui s'engagent dans la vie professionnelle ou bien à des professionnels ayant des difficultés dues à la pandémie ou enfin des étudiants qui grâce à une formation complémentaire souvent très onéreuse auront besoin de nous pour booster leur carrière. Comment vivre cette ambiguïté ?

D : Le Rotary International, dans les définitions de communication mises en place aujourd’hui, a éliminé le terme de professionnel qui a été remplacé par « nous sommes des décideurs qui passent à l’action pour améliorer le monde...».

A mon avis enlever le mot revient à enlever l’idée et je pense qu’il est important de revenir aux fondamentaux. J’ai été bercée par l’idée que « les Rotariens sont des professionnels ». Avec mon équipe, nous avons voulu réintégrer ce mot au sein du District 1700 : « nous sommes des professionnels et des décideurs ».

Posons-nous la question : qui va faire le Rotary de demain ? Ce sont des jeunes professionnels. Pour qu’ils aient envie de nous rejoindre il faut les intéresser, il faut répondre à leurs attentes. Parmi leurs attentes, il y a le professionnel et le réseau. Nous sommes un réseau de professionnels mais nous sommes uniques en cela que nous avons une double appartenance : professionnelle et humanitaire. Nous sommes des professionnels qui passons à l’action en faisant le bien dans le monde. C’est grâce à nos valeurs et à l’éthique professionnelle, en nous appuyant sur le critère des 4 questions, que l’on peut envisager de déculpabiliser la notion de « business » au Rotary.

Et quand on veut intégrer un nouveau membre il faut impérativement que ce soit une personne de qualité qui partage et respectera nos valeurs.

M-F : En tant que femme es-tu particulièrement motivée pour travailler sur l'un des projets de Shekhar Mahta Président 2021-2022 ? L'autonomie des jeunes filles et l'égalité des chances ?

D : Shekhar Mahta dit très clairement que « les filles sont confrontées à de  nombreuses difficultés un peu partout dans le monde ». Il nous demande de faire tout notre possible pour « réduire les désavantages qu’elles peuvent subir ». Il parle donc d’agir pour l’autonomie des jeunes filles.

Quand on est une femme on ne peut pas rester insensible à cela, car on est bien entendu sensibilisées par ce type de problème.

C’est à travers la défense de l’autonomie des filles qu’il faut chercher une voie pour aller vers l’égalité des chances. Je crois que la porte d’entrée dans notre pays c’est l’égalité d’entreprendre, permettre à ces jeunes filles de prendre la place qui est la leur dans la société, leur donner une chance d’entreprendre, de s’emparer de beaucoup de métiers sans peur.

J’aimerais travailler dans une dynamique de forums au féminin comme cela a été fait par des jeunes filles de l’IUT de Carcassonne, accompagner et former des jeunes femmes dans la création d’entreprise et dans le management au féminin, organiser des conférences dans les lycées ou les collèges pour bien montrer aux lycéennes et aux collégiennes que toutes les formations sans exception s’ouvrent aux femmes quelque soit le niveau de compétence et leur redonner ce besoin de confiance, qu’une catégorie de jeunes femmes n’ont pas. Enfin, une autre des portes d’entrée pour l’égalité des jeunes femmes concerne la santé, l’hygiène et l’éducation...

M-F : Alors la transition est trop facile nous allons parler maintenant  de la place des femmes au sein du Rotary

D : Bien sûr qu’il n’y a pas assez de femmes au Rotary.

Renforcer la place des femmes au Rotary est un point important qui aidera à faire rayonner le Rotary. Notre Président-élu est une femme, Jennifer Jones et c’est vrai qu’il y a peu de femmes dans les équipes dirigeantes.

Dans notre district au 1er juillet 2020, les femmes représentaient 24% des membres et 35% des Présidents. En comparaison dans la zone 13 à la même date, les femmes représentaient 19% des membres et 25% des Présidents.

Jennifer Jones, quand elle s’est présentée, a dit que les jeunes générations d’hommes et de femmes avaient besoin de se sentir représentées. Elle a estimé que les femmes n’étaient assez présentes dans les grandes instances et qu’il fallait entrer dans une dynamique du changement et de la transformation. Si le Rotary est un reflet de la société actuelle on ne peut imaginer qu’il n’y ait que 24% de femmes. Je partage cet avis avec elle.

Recruter des jeunes générations et des femmes doit être une priorité. Nous sommes 4 Gouverneurs femmes dans ma promotion et nous estimons toutes que ce sujet est prégnant. S’emparer de la problématique de l’autonomie des jeunes filles pourra peut être motiver des femmes à nous rejoindre. 

M-F : Une question plus générale mais aussi très importante : comment faire rayonner le Rotary au niveau des clubs des interclubs et du district ?

D : Changer l’image publique nécessite une réflexion profonde. Depuis plusieurs années le Rotary demande à ce que l’on ne communique plus sur une remise de chèque. Photographier une remise de chèque est contre-productif. Sortons de cette image Rotary-chèque pour montrer les Rotariens en action !

Il existe beaucoup de petites actions magnifiques et indispensables qui permettent de tisser du lien entre les membres et d’aider des structures locales. Mais à côté de cela, si on veut vraiment  faire rayonner le Rotary, il faut aussi avoir l’envie de mener des actions ambitieuses, de travailler ensemble, de mettre en place une intelligence collective, de développer les Interclubs ou regrouper plusieurs clubs pour avoir un meilleur impact.

Lorsque nous organisons un grand concert à la Halle aux Grains de Toulouse avec un Chef d’Orchestre de renom ou que nous mettons en place le grand concert de l'Interclubs de Montpellier à l’Opéra au bénéfice d’une belle cause, l’impact est important auprès du public et on parlera de nous comme d’un réseau fort et ambitieux. Ce sont les clubs et les Rotariens qui sont les ambassadeurs de la marque Rotary, en y plaçant toute l’ambition que l’on a envie d’y placer.

Il est aussi temps de faire savoir tout le travail que nous accomplissons.

M-F : Mais comment améliorer notre image ?

D : En effet il nous faut apprendre à communiquer… Pour cela il faudrait trouver dans nos rangs des professionnels qui ont envie de s’investir et dégager le budget nécessaire. Ce sont les questions qui se posent.

Ma promotion de Gouverneurs, qui est à l’origine de l’opération « la Rose », a décidé d’engager une société de communication pour faire la promotion de cette action. Les 18 districts se sont donc associés pour financer cette promotion avec d’ailleurs l’aide du rosiériste. C’est une opération gagnant/gagnant. Les clubs vont assurer la logistique et les Gouverneurs la couverture médiatique.

Pour communiquer mieux, il est de notre devoir d’harmoniser l’image du Rotary.

L’harmonisation de l’image de marque c’est d’abord le respect de la charte graphique. La façon dont on représente la marque Rotary et celle dont on l’utilise est très importante et nous devons être vigilants sur ce sujet.

Notre objectif est de développer cette uniformisation au travers des mini-sites, de repenser le site internet pour répondre soit à une personne qui souhaite rejoindre le Rotary soit à un Rotarien du District qui souhaite acquérir une information, d’entrer dans le domaine de la digitalisation puisque les jeunes utilisent beaucoup la vidéo et les réseaux sociaux, de créer des liens entre notre site et nos réseaux sociaux et enfin de faciliter l’utilisation de la plateforme RODI qui offre de nombreux avantages.

Pour  faire connaître nos valeurs mais aussi toutes nos belles actions, nous allons organiser, pour ceux qui le souhaitent, des séances de formation à la création de mini-sites, à l’utilisation de la plateforme RODI, apprendre aux clubs à communiquer et à faire un dossier de presse, à utiliser les réseaux sociaux. Le but serait que chaque club désigne un webmaster chargé de l’image publique afin que nous puissions réaliser des formations « en cascade ».

Mon but est de donner aux Présidents le maximum d’outils dont ils peuvent avoir besoin pour bien exercer leur mission. Parmi ceux qui ont assisté aux formations, j’ai eu beaucoup de messages très positifs du style « on ne pourra pas dire que l’on ne savait pas ». C’est extrêmement gratifiant. L’équipe du District donne le maximum d’outils, aux Rotariens des clubs de s’en emparer !

M-F : Pour conclure cet entretien et tu as déjà effleuré la réponse quel est le premier message que tu voudrais nous adresser

D : Mon but, conformément au texte du Rotary International c’est de soutenir, d’accompagner, de renforcer les clubs et d’assurer leur transmission. Je ne changerai pas le monde, je ne suis pas révolutionnaire, je n’ai pas non plus en tant que Gouverneur d’action à faire. Ce sont les clubs qui font les actions, pas les Gouverneurs.

Ma mission c’est avant tout d’animer un District avec des Présidents bien informés pour atteindre un objectif : renforcer l’essor du Rotary pour « Servir pour changer des vies » !

Enfin il faut se rendre compte que si le Rotary accueille beaucoup de nouvelles recrues, nombreuses sont celles qui quittent les clubs au bout de 3 ans.

Posons-nous la question : avons-nous mal recruté ou n’avons-nous pas su intégrer ces nouveaux membres ? Ou encore n’ont-t-il pas trouvé ce qu’ils recherchaient parce qu’on les a laissés de côté ? Prenons soin de nos membres. Je suis heureuse au Rotary parce qu’on prend soin de moi ; je suis heureuse au Rotary parce que je prends soin des autres !

M-F : Merci beaucoup, Delphine, pour avoir pris sur ton emploi du temps déjà bien chargé un moment   pour expliquer aux lecteurs de la Lettre du Gouverneur qui tu es , et quelle est la conception de la mission de Gouverneur

Marie-Françoise Chapuis

R.C. Montpellier

Pour la lettre du Gouverneur